L’instrumentation scientifique est une part importante de notre laboratoire, en particulier pour les activités de biophysique. La conception maison de la grande majorité de nos instruments de mesures a fait l’originalité et la force de notre laboratoire, depuis sa création. Cette approche a débuté dans les années 1960 sous l’impulsion de Pierre Joliot avec la création d’une électrode à oxygène modulée, qui lui permettra de résoudre les états S de la photosynthèse. Elle s’est poursuivie tout au long de sa carrière avec le recrutement rapide de Daniel Béal, un ingénieur de recherche pour l’épauler. Cette collaboration a permis de mettre au point nombre de dispositifs innovants de spectroscopie optique de différence d’absorption et a débouché sur la mise au point d’un brevet et la commercialisation d’un appareil de mesure de type JTS (Joliot Type Spectrometer) par la société Biologic. À l’heure actuelle, l’instrumentation scientifique de l’unité est gérée par Julien Sellés, ingénieur de recherche CNRS. Le développement de nouveaux instruments ainsi que l’amélioration des dispositifs existants se fait en étroite collaboration avec Benjamin Bailleul (CRCN), Wojciech Nawrocki (CRCN) et Christopher Larran (IR CDD CNRS). Des collaborations avec des acteurs privés sont également mises en place avec JBeamBio, société d’instrumentation scientifique fondée par Daniel Béal, ABMP, société spécialisée dans la conception électronique, et API dont le cœur de métier est la conception mécanique.
Cette approche « instrumentation adaptée aux chercheurs » et non l’inverse, a permis tout au long de l’existence du laboratoire d’être pionnier dans certains domaines de recherche liés à la photosynthèse. Elle a également permis de nouer de nombreuses collaborations durables à l’international avec des instituts de recherche prestigieux.
D’un point de vue pratique, le laboratoire dispose actuellement des instruments suivants :
Spectrophotomètre de différence d’absorption résolue en temps ou JTS :
Ce type de spectrophotomètre développé au laboratoire est basé sur le principe de la spectroscopie pompe-sonde [1, 2]. Un faisceau lumineux de très forte intensité, appelé pompe, est envoyé sur l’échantillon afin de déclencher la photosynthèse. Un second faisceau de faible intensité et de très courte durée, appelé sonde, est alors envoyé et permet de sonder la différence d’absorption entre un échantillon où la photosynthèse est active et un échantillon à l’obscurité. La différence d’absorption mesurée permet alors de remonter à l’état d’oxydo-réduction des différents acteurs de la photosynthèse, comme le photosystème I, le cytochrome b6f ou encore les plastocyanines, mais également à l’activité de l’ATP-synthétase.
Cette technique permet de travailler aussi bien in vivo sur cellules entières ou feuille qu’in vitro. Les configurations suivantes sont disponibles :
- 2 JTS dits « LED » : l’excitation se fait soit par un flash laser nanoseconde (laser YAG amplitude) à 695 nm ou 532 nm. L’impulsion sonde (20 µs) est obtenue grâce à une LED blanche filtrée par des filtres interférentiels. Ces appareils ont une résolution temporelle de 150 µs et permettent de faire des mesures d’absorption à quelques longueurs d’onde précises (520, 540, 554, 564, 573, 580, 700, 715, 730 nm).
- 1 JTS dit « monochromateur » : identique au JTS LED, la sélection spectrale du faisceau sonde se fait au travers d’un monochromateur, ce qui permet d’avoir une mesure continue entre 500 nm et 600 nm.
- 1 JTS dit « OPO » : L’excitation se fait par un flash laser nanoseconde (OPO pompé par un YAG) et peut varier continûment de 400 nm à 800 nm. L’impulsion sonde provient d’un laser OPO (5ns) large bande. Cet appareil a une résolution temporelle de 10 ns et une résolution spectrale allant de 260 nm à 1500 nm.
Spectrophotomètre de fluorescence :
L’analyse de la fluorescence émise par les chlorophylles est un outil puissant et largement utilisé pour étudier en particulier l’efficacité photochimique de la chaîne photosynthétique. L’énergie lumineuse absorbée par un organisme photosynthétique peut être utilisée selon 3 processus : i) photochimie afin de démarrer le processus de photosynthèse ii) dissipation sous forme de chaleur iii) dissipation sous forme de fluorescence. Ces trois processus étant en compétition, la fluorescence mesurée nous donne une mesure indirecte relative de l’efficacité de la photosynthèse et en particulier du photosystème II.
Les équipements disponibles sont les suivants :
- Un fluoromètre dit « Fluo liquide » : permet de mesurer la quantité de fluorescence émise, seulement sur un échantillon liquide. La totalité de la fluorescence récoltée est intégrée spectralement par une photodiode.
- Un fluoromètre dit « 77 K » : permet de faire des mesures de fluorescence résolue spectralement, sur échantillon liquide. Cet équipement permet de travailler à température ambiante ou à température de l’azote liquide.
- Un fluoromètre dit « SpeedZen » : permet de mesurer la fluorescence avec une résolution spatiale. Ce type de montage est particulièrement adapté pour la mesure sur feuille ou sur plaque multi-puits. Cette technique est un outil de criblage puissant pour des études où la chaîne photosynthétique est perturbée, du fait du grand nombre de conditions expérimentales possibles simultanément [3].
- Un fluoromètre dit « micro-SpeedZen » : identique au Speedzen mais monté sur un statif de microscope pour permettre des mesures sur cellule unique.
- Un fluorimètre résolu dans le temps (type Time-Correlated Single Photon Counting) : permet de mesurer la durée de vie des états excités sur l’ensemble du spectre d’émission avec une résolution temporelle d’environ 50 ps.
Électrode à oxygène modulée :
Le laboratoire dispose depuis récemment d’une électrode à oxygène similaire à celle développée par Pierre Joliot dans les années 60. Ce type de dispositif est composé d’une électrode de platine et d’une électrode d’argent/chlorure d’argent entre lesquelles une tension négative de 0,75 V est appliquée. Une couche uniforme d’algues unicellulaires peut être déposée de façon uniforme sur l’électrode de platine et l’émission d’oxygène provoque une réaction d’oxydo-réduction, ce qui génère un courant mesurable. La particularité de notre électrode est l’éclairement des algues, qui est modulé de façon sinusoïdale et qui permet de mesurer la vitesse moyenne d’émission d’oxygène [4].
Appareil de transformation biolistique :
Pour transformer le génome chloroplastique de C. reinhardtii nous utilisons un canon à particules (méthode de transformation biolistique) construit au laboratoire et adapté d’après un appareil similaire construit à l’université de Genève. Un jet d’hélium sous pression (pression 7 bars, durée du jet 20 ms) permet de projeter des particules de tungstène (Ø 1µm) enrobées d’ADN (2 µg de plasmide surenroulé par tir) sur un tapis cellulaire placé dans un environnement sous vide (environ 1-2 107 cellules ; vide 48 mbars ; longueur du trajet des billes 15 cm). Nous obtenons jusqu’à 1000 clones transformants par tir.
[1] Joliot P., Béal D. and Friley B. (1980) A new spectrophotometric method for the study of photosynthetic reactions. Journal de Chimie Physique et de Physico-Chimie Biologique, 77(3) :209-216
[2] Béal D., Rappaport F. and Joliot P. (1999) A new high-sensitivity 10-ns time-resolution spectrophotometric technique adapted to in vivo analysis of the photosynthetic apparatus. Review of scientific instruments 70(1) : 202-207
[3] Johnson X, Vandystadt G, Bujaldon S, Wollman F-A, Dubois R, Roussel P, Alric J and Béal D (2009) A new setup for in vivo fluorescence imaging of photosynthetic activity. Photosynth Res, 102(1):85-93
[4] Joliot Pierre (1956) Dispositif ampérométrique de mesure de la photosynthèse. C.R. Acad. Sci. Paris, 243(7):677-80